T’es pas facho, t’es juste fâché…

Au travers de mes nombreuses pérégrinations sur la toile, je te croise de plus en plus souvent, toi, le fâché. Et je prends toujours soin de te lire, d’entendre tes arguments, de tenter de te comprendre. Et de comprendre pourquoi demain, quand l’heure sera aux urnes, tu voteras Marine, sans même l’ombre d’un complexe, sûr de toi, sûr de ton choix.

marine

Je m’efforce d’essayer de te comprendre et ce soir, je vais même m’efforcer de t’écrire cette lettre, en tentant d’y mettre beaucoup d’amour, parce que tu en manques un peu d’amour et que c’est sans doute de là que vient ta colère : tu es fâché. Fâchée, lassée, blessée, je le suis aussi. En colère aussi, parfois, souvent. Et je pense qu’on a la même. Celle de ne pas trouver notre place dans cette France d’hier qui a été construite pour les générations précédentes, celle d’avoir l’impression de me justifier chaque matin, de lutter pour tenter de garder en vie quelques rêves et de ne pas les oublier tous, celle d’être chez Pôle alors que j’ai de l’énergie à donner et envie de m’investir pour un travail passionnant rémunéré à sa juste valeur, celle de vouloir faire des enfants tout plein d’enfants mais d’avoir si peur que j’en reste tétanisée. Tu vois, on partage la même colère toi et moi.

Sauf que notre ennemi, ce n’est pas l’Autre (« avec un grand A » comme disait ma grand-mère), ce n’est pas l’étranger, ce n’est pas l’Europe, ce n’est pas le monde. L’Autre, tu en parles souvent, très souvent. En lui prêtant tout un tas de défauts qu’il n’a jamais eu. Parce que l’Autre, moi, je le connais un peu. Du moins j’essaye chaque jour de lui donner un visage, un contour, une histoire. Et l’Autre, le migrant, le refugié, l’étranger, il a les mêmes peurs que toi, les mêmes rêves aussi et, tu veux que je te confie un secret ? Il a la même vision de la France, bleu, blanc, rouge. « Moi, j’ai marché jusqu’à la France, en traversant 12 frontières, parce que c’était ici que je voulais vivre, parce que c’est un pays de liberté, un pays fort, un grand et beau pays ». L’Autre me l’a dit, une fois comme ça, et puis mille fois autrement. Avec les yeux qui brillaient et une vraie fierté, de celle que j’avoue, on a un peu perdu, c’est vrai.

Demain, si tu votes Marine. Qui s’appelle d’ailleurs Le Pen, ne l’oublie pas si vite. Demain si tu votes Marine, l’Autre devra reprendre son sac, repartir dans son pays en guerre et remporter sa colère avec lui. Mais toi ? Toi tu penses qu’elle se sera envolée la tienne de colère ? Tu penses que Madame Le Pen, Présidente, tu seras plus heureux, plus épanoui, plus riche, plus beau même ? Non. Non parce qu’on ne dirige pas la France comme on mène un meeting de partisans, on ne s’improvise pas chef de la République. L’égoïsme et l’autarcie n’ont jamais rendu un pays plus riche, jamais.

Alors, tu sais ce qu’on pourrait faire toi et moi ? On pourrait respirer un grand coup, analyser notre colère, savoir d’où elle vient et quelles pourraient être les solutions politiques pour qu’elle s’apaise. Tu pourrais juste mettre Madame Le Pen de côté quelques minutes et ouvrir les programmes des autres candidats (quand on les aura reçus hein, parce qu’en Province ils ne sont toujours pas arrivés !) et te construire un vrai choix, argumenté et doux. Abandonner les clichés trop simples de l’arabe qui vole et de l’Europe qui nous pille, parce que tu vaux bien mieux que ça, parce que tu es allé à l’école et parce que tu le sais que si c’était si simple ça se saurait ! Et que je suis sûre que tu en as tout plein à me citer d’exceptions qui confirme cette règle nauséabonde : ton pote d’enfance, Barack Obama, le prof de foot de tes enfants, Jamel Debbouze… Et que donc, toi même tu sais, que ces généralités sont ridicules et n’apportent rien de bon. Tu lui dis à ton fils qu’il ne faut pas se battre dans la cour de récréation, non ? Tu lui dis de donner la moitié de son pain au chocolat à sa sœur ? Alors c’est tout pareil.

T’es pas facho, t’es juste fâché. Je t’entends et je t’aime. On t’aime tous en fait, parce qu’on est un peuple, un pays, une nation. Ne te sens pas à l’écart, ne te sens pas rejeté, viens faire force avec nous, vote, vote, vote, oui vote, mais pas en réaction, en con-stru-ction. Tente de trouver le moins pire, dis-toi qu’on sera nombreux à se battre ensuite pour faire voter les lois qui nous paraissent essentielles et justes, qu’on élit juste une tête d’affiche mais que c’est un travail d’équipe. Et puis, souviens toi qu’il y a 5 ans, 10 ans, tu n’aurais jamais voté Le Pen, père ou fille, peu importe, tu n’aurais jamais pu. Aujourd’hui, c’est pareil. Tout pareil. Et c’est pas parce que t’as des potes décomplexés, que vous avez l’impression de former une équipe, que vous vous sentez plus forts, que c’est devenu plus crédible. Non. Tu mérites bien mieux que ça et la France, si chère à ton cœur, aussi. ❤

11 réflexions sur “T’es pas facho, t’es juste fâché…

  1. Texte puissant Perrine. Il reflète ce qui pourrait sauver ce gros bordel, l’amour et la douceur.

    Pourtant moi qui n’irais pas glisser mon bulletin (le vote blanc n’étant pas reconnu) je refuse ce que l’on me propose depuis quelques années. J’ai vu cette violence s’accroître, j’ai bossé assez longuement dans les ecoles pour voir les parents dirent aux enfants de repondre souvent par le geste. J’ai vu cette violence administrative s’installer, plus sournoise, avec cette volonté farouche de t’humilier. J’ai vu des ados en guerre contre le mariage pour tous. Des mômes, des gamins… refuser les homos.
    Sans parler des travailleurs pauvres, ceux qui n’y arrivent plus et qui ne reconnaissent plus rien ni à droite, ni à gauche ni au centre.

    J’ai fais le choix d’un veste chaos pour justement mieux recommencer.

    Très beau billet et il est le reflet de que ce que doit être un blog, le débat. Merci Perrine.

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  2. Tu m’as mis les larmes aux yeux. WoW retournée la cocotte! En ces temps de brexit, Trump et de LePen en tête de sondage tes mots ont mis du baume dans mon petit cœur d’anglaise. MERCI 👍🏽

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  3. Texte puissant Perrine. Il reflète ce qui pourrait sauver ce gros bordel, l’amour et la douceur.

    Pourtant moi qui n’irais pas glisser mon bulletin (le vote blanc n’étant pas reconnu) je refuse ce que l’on me propose depuis quelques années. J’ai vu cette violence s’accroître, j’ai bossé assez longuement dans les ecoles pour voir les parents dirent aux enfants de repondre souvent par le geste. J’ai vu cette violence administrative s’installer, plus sournoise, avec cette volonté farouche de t’humilier. J’ai vu des ados en guerre contre le mariage pour tous. Des mômes, des gamins… refuser les homos.
    Sans parler des travailleurs pauvres, ceux qui n’y arrivent plus et qui ne reconnaissent plus rien ni à droite, ni à gauche ni au centre.

    J’ai fais le choix d’un veste chaos pour justement mieux recommencer.

    Très beau billet et il est le reflet de que ce que doit être un blog, le débat. Merci Perrine.

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  4. Ne pas confondre Nationaliste et Fasciste :

    Nationaliste : adj, terme qui qualifie l’individu qui met en valeur le sentiment d’appartenir à une culture, une langue, une religion commune ou un patrimoine commun.

    Fasciste : adj, se dit de quelqu’un partisan de ou des réalités politiques, d’un régime politique reposant sur un État fort et sécuritaire, privant des citoyens de liberté. Il impose une autorité arbitraire, dictatoriale et violente à son entourage.

    Pourquoi juger les Hommes qui aiment leur pays pour ce qu’il a été et pas ce qu’il est devenu ? On perd toutes nos valeurs. Est-ce pour autant du fascisme ? Non. Le nationaliste ne veut priver personne de ses libertés, il ne veut juste pas voir son pays tomber. Est-ce un mal ?
    Quand je vois comment ces personnes se font lyncher comme si elles​ signaient un pacte avec le diable. Plutôt que de juger, essayez de comprendre dans quelle situation nous sommes.

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