Éponge

Parfois je rentre le cœur serré, d’avoir entendu Imat me dire que oui, il a laissé sa femme et son fils là-bas, qu’il n’avait pas le choix mais que demain, oui demain, il les fera venir…

Parfois, j’ai la colère muette et les mots qui manquent.

Parfois j’ai peur, j’avoue j’ai peur, de ce chômage plombant, de ce que demain nous apportera.

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Parfois, j’avoue, je doute de notre « bonne étoile », je me languie de l’attendre enfin.

Parfois, souvent, je pense à ces enfants que je voulais jeune. À ces trente ans qui approchent et qui me sifflent dans les oreilles, comme un refrain assourdissant.

Parfois j’ai envie de partir, loin. Mais où…

Parfois j’ai mal à mon humanité aussi, à toutes ces pensées noires qui inondent ma toile et tissent un fichu de haine opaque et anxiogène.

Parfois je me dis que mes compétences, mon envie, ma hargne, mes talents, ne trouveront jamais une place pour fleurir, s’épanouir, grandir.

Parfois j’ai la vie qui m’pique les yeux, j’ai Renaud en sourdine, les larmes au bord des lèvres et la vie au fond du seau.

Parfois je me dis que c’est quand même pas fun d’être née cette année là, dans ce monde là. Que j’aurais même préféré être mon père, ma mère. C’est dire…

Parfois, j’ai des mots moches, qui m’envahissent. Des mots comme ceux que l’Homme détestent. Des mots qu’on a pas le droit de prononcer, quand on a un toit, un frigo rempli et deux sous en poches.

Mais parfois, y’a quand même un peu le droit…

De chouiner un peu, de pester beaucoup, de baisser les bras, d’y croire moins aussi.

D’être sombre, comme ce ciel qui n’en finit pas de cacher les rayons du soleil, comme ce tunnel qui n’en finit pas d’être long, comme cette 29ème année, qui n’en finit pas de faire mal, comme ce sort, qui n’en finit pas de n’avoir que nous à emmerder…

Parfois, j’ai la peur au ventre et la vie en vrac.

Parfois, j’ai le vrac en moi et la tête dans l’sac.

Parfois, j’aimerai dormir et ne me réveiller que quand le printemps, le vrai, celui qui bourgeonne et réveille en nous ce doux sentiment d’invincibilité sera là. Celui qui éclaircit, celui qui réchauffe, celui qui promet des jours meilleurs…

Parfois, « j’ai la vie qui m’piquent les yeux, j’ai mon ptit cœur qu’est tout bleu. Dans ma tête j’crois bien qu’il pleut, pas beaucoup mais… un ptit peu ».

Une réflexion sur “Éponge

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